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Mondialisation Heureuse : La fin de la magie

La Mondialisation Heureuse vient de connaitre 2 coups d’arrêt brutaux : le Covid19 puis la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Analyse et Prospective


13 mars 2020 les français réalisent soudain que la menace appelée parfois avec dédain une « gripette » était en réalité un fléau mondial.

Sous le choc les français se sont agglutinés aux terrasses des cafés qui le lendemain seraient fermées. Profitant des premiers rayons de soleil bientôt réservés aux courtes promenades, encadrées, contrôlées.

Les français ont eu trois jours pour se préparer. Le confinement soudain, un contrat à durée indéterminé, avait scellé leur sort. La liberté individuelle d’aller et venir a laissé sa place à l’intérêt collectif et à la protection du groupe.

L’ennemi invisible s’est imposé, serial killer mondial à l’affut de victimes, sans aucun défenseur. Se confiner, essayer de lui échapper, une mesure locale est devenue mondiale.

Le Covid-19 et ses divers variants ont soudain bouleversé l’ordre mondial établi

Durant cette année 2020, malgré les conséquences économiques que l’on ne pouvait qu’entrevoir, toute la planète s’est figée.

Parce que la maladie c’est étendu, parce que malgré le scepticisme des politiques, les malades et les morts ont eu raison de tout. Personne n’a pu échapper à la pandémie et à ses effets. Les moyens pour la contenir ont été variés, les conclusions ont toutes convergé. Seule solution efficace, permettant d’éviter la propagation, le recours à la limitation voire l’interdiction des interactions a été mis en place un peu partout. Personnes et biens ont cessé de circuler librement sur la planète.

2020 a été l’année de la rupture, la fin d’un monde basé sur une mondialisation rationnelle et démente, efficace et destructrice.

Les chaines de production et de consommation disséminées à travers le monde sous couvert de rentabilité, capitalisant sur les écarts de coût, main d’œuvre et matière première, ont montré leurs points faibles. L’interconnexion productive a laissé place à la dépendance délétère. Là où le monde politique et industriel ne pouvaient rien empêcher, ce sont les ressorts même de la vie et la mort qui se sont imposés.

La pandémie a révélé sur un temps court devenu long toutes les faiblesses et les impasses de notre mondialisation. Les approvisionnements de certains composants sourcés à l’autre bout de la planète ont interrompu certaines chaines de fabrications, une première alerte était donnée. Le risque de rupture est apparu, ponctuellement.

2020 est devenue la première année d’un chamboulement dont certains voulaient tirer les enseignements et d’autres les oublier, mieux rattraper le temps perdu, l’accalmie étant venue la course pouvait recommencer.

2020 est devenue 2022 et a aussi fondamentalement modifié les habitudes individuelles. Même si industriels, marketeurs et financiers ont gardé le regard rivé vers les tableaux comptables, les consommateurs et les salariés ont eux mondialement goûté à d’autres expériences.

Celui que l’on a appelé « le monde d’après » a en réalité scindé les populations. Il y a désormais ceux qui veulent garder les acquis positifs du confinement, du travail à distance, d’une certaine déconsommation et ceux qui veulent regagner le temps « perdu ».

La magie du monde de la globalisation est restée ancré, tout juste si les quelques points de faiblesses, variables d’ajustement ont été intégrées au calcul dans des risques. Un simple calcul.

Le 24 février 2022 marque le deuxième coup porté à la magie du monde conçu comme une table bien garnie.

Le Covid-19 a sérieusement entamé la liberté individuelle d’aller et venir. Le killer était une maladie. Pas un être, pas une nation. Un combat inégal certes mais pas une guerre.

2022 a en revanche marqué la fin de la paix mondiale envisagée comme une évidence. Le mythe de la paix comme un dû est tombé.

Les spécialistes n’ont rien vu venir. Trois jours avant le début de la guerre Hélène Carrère d’Encause, répondait à la question de Pascal Boniface

« _ Que pensez-vous d’une guerre qui amènerait l’armée russe à Kiev ?

_ Non, d’abord Poutine n’est pas idiot, Poutine ne se lance dans quelque chose que quand il a un prétexte, Kiev c’est autre chose, les russes savent que quand on rentre dans une capitale symboliquement c’est tout à fait autre chose. On n’en sort pas, en sortir c’est très compliqué. Kiev symboliquement, les russes ne pourraient pas y rester, ce serait une guérilla, tout cela ne tiendrait pas debout. »

Du côté du monde des affaires, même sentiment. Le fonds d’investissement BlackRock connu pour son extrême vigilance et la pertinence de ses analyses géopolitiques, n’avait pris lui-même aucune précaution particulière.

Les analystes n’avaient apparemment pas identifié les risques imminents d’intrusion, devenue guerre, menés par Poutine pour le compte de la Russie envers un État souverain. Le fonds a ainsi perdu 17 milliards de dollars en quelques jours et 20% de sa valeur en bourse.

Ni les politiques, ni les analystes, ni les financiers n’avaient anticipé sérieusement ce scénario catastrophe.

Larry Fink le patron de BlackRock indique dans sa lettre annuelle aux actionnaires.

« L’invasion russe de l’Ukraine a mis fin à la mondialisation que nous avons connue au cours des trois dernières décennies. »

Et à ce jour, aucune des mesures, politiques et économiques, prises envers la Russie n’ont permis d’endiguer la vague destructrice menée par les armées russes.

La mise en place des sanctions visant à dissuader Poutine, a révélé de manière brutale l’interdépendance économique mondiale entraperçue à l’occasion du Covid19, relevant l’ampleur de nos assujettissements mutuels.

Tous les domaines sont concernés, échanges de marchandises, flux financiers de flux de compétences. Les échanges basés sur la sécurité et le respect des relations contractuelles dénoncés par la rupture unilatérale fait émerger le risque géopolitique non anticipé.

« Mondialisation Heureuse » : La magie s’est éteinte

Le monde n’est plus envisageable dans une globalité sereine. La notion même d’échange garanti par les engagements contractuels préalables, entre États ou entre entités n’existe plus.

La guerre selon Poutine a mis à mal et pour longtemps le système préexistant. Quelque soit l’issue de ce conflit unilatéral, l’étendue des conséquences reste à découvrir. Les jours passent, les interconnexions apparaissent. Le temps court devenu temps long laisse augurer un bouleversement aux conséquences économiques, politiques et humaines particulièrement lourdes.

Le « monde d’avant » a définitivement fermé ses portes. Le mythe de la planète magique, aux ressources multiples, disponibles sans fin, construit savamment par la génération d’après-guerre froide est tombé.

Patricia Capelle

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