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Proxy et finance : la grande bascule du XXIe 

Interview de David Chase Lopes, Managing Directeur EMEA chez D.F.King Ltd

David Chase Lopes, qu’est-ce qu’un Proxy et plus précisément un Proxy solicitor ?

Un Proxy c’est un intermédiaire, comme dans les systèmes informatiques. C’est un intermédiaire qui va faciliter les requêtes, des émetteurs et des investisseurs. Les relations entre les entreprises cotées et les investisseurs ont évolué au cours des 20 dernières années en France.

Après les différentes crises, il a été nécessaire de fluidifier les relations afin de faciliter le dialogue et l’entente entre les différentes parties prenantes.

L’évolution venue des Etats-Unis a gagné l’Europe avec l’installation des Proxy advisors et des Proxy solicitors.

Là où les Proxy advisors conseillent les investisseurs avec leurs recommandations de vote aux assemblées générales, nous, les Proxy solicitors, nous travaillons afin que les émetteurs puissent dialoguer avec les investisseurs, les actionnaires et obtiennent leur approbation lors des votes en Assemblée Générale. Nous sommes un lien entre les actionnaires et les dirigeants. Le cabinet D.F.King, depuis 80 ans, permet aux investisseurs de faire entendre leurs messages auprès des décideurs. En tant qu’intermédiaire neutre nous sommes légitimes dans la transmission des messages que ce soit vers les décideurs ou vers les actionnaires.

La crise de 2020 a accentué les tendances déjà présentes et on va regarder de plus en plus près la gouvernance des entreprises.

Le rôle du Conseil d’administration et l’écoute des actionnaires devient de plus en plus important. Les votes des actionnaires lors des AG étaient déjà cruciaux, ils sont de plus en plus fondamentaux. En premier lieu ils approuvent les comptes ce qui est loin d’être négligeable, ils approuvent ou non certaines opérations financières ainsi que la rémunération des mandataires sociaux et décident qui dirige, direction générale et administrateurs.

C’est en réalité l’ensemble du pilotage de l’entreprise qui doit obtenir leur approbation. Moi je ne suis ni Brunswick ni FTI. Je ne suis pas un communiquant. Je suis un intermédiaire qui est là pour trouver les solutions.

2022 est-elle une année de changement ?

2022 est dans la continuité de ce que l’on constate depuis peu. Les actionnaires évoluent. Ils se comportent comme de vraies parties prenantes aujourd’hui.

Ils ne se contentent pas d’investir sur des critères de rentabilité financière stricts. Ils se sentent concernés au premier chef par les déclarations des entreprises, leur raison d’être affichée, leur comportement face à la pandémie et sont très attentifs aux effets liés aux évolutions climatiques.

On note un mouvement fort vers une demande de structure de finance durable. Les investisseurs plaident pour la mise en place d’une stratégie responsable, la TCFD, « Task Force of Climate Related Financial Disclosures ». Les TCFD deviennent progressivement plus que de simples recommandations et sont probablement amenées à prendre la forme de normes. Ces demandes se déclinent en six axes distincts ; protection du climat, de l’eau, la diversité marine, la transition vers l’économie circulaire, la protection de la biodiversité et les écosystèmes.

La RSE aussi a considérablement évolué par le poids qu’elle représente aujourd’hui. Il y a maintenant suffisamment d’entreprises concernées et de plus en plus de fonds d’investissement retiennent ces critères d’investissement. Ils disposent maintenant de bases de référence assez solide. Les comparatifs sont significatifs et les tendances peuvent être analysées.

On voit aussi apparaitre des comparatifs entre la rémunération des mandataires sociaux et la rémunération médiane des salariés. Ces éléments impactent l’analyse qualitative de l’entreprise et ses capacités futures. Les critères de performance extra-financiers commencent à prendre de plus en plus d’importance.

Vous êtes français et américain, vous connaissez les deux systèmes, que pensez-vous du système français aujourd’hui ?

Je suis frappé par le fait que les Français ne semblent pas forcement se rendre compte du soft power qu’ils ont aujourd’hui.

Vous savez aujourd’hui à Londres les banquiers parlent de « Paris proof » pour parler des sujets (souvent liés à l’environnement) qui peuvent être impactés par les accords de Paris. Cela montre l’importance qu’ils y attachent. Ils ne sont pas dupes. Ils font bien la différence entre les entreprises qui se plient aux règles uniquement parce qu’elles n’ont pas le choix et celles qui mènent une politique active parce qu’elles sont convaincues du bien-fondé de ces accords. Ces émetteurs ont trouvé le moyen d’y arriver et souvent avec une exigence très forte.

En règle générale, la France demande plus à ses émetteurs que le reste de l’Europe. C’est la société qui veut cela parce que ça a un sens, il y a un socle.

La France est un leader, pas un « suiveur » et j’ai le sentiment que pour le moment les Français n’assument pas leur position d’exemple à l’international.

Regardez la loi Copé-Zimmermann, la loi Sapin 2, la mise en place de la Raison d’être, ce sont des exemples de règles, de lois qui sont mises en place et fonctionnent bien. La vision de la gouvernance à la française donne de bons résultats.

Par ailleurs il y a aussi en France des groupes familiaux avec beaucoup de poids dans l’écosystème et ils ont la particularité de défendre un positionnement long terme. Ce ne sont pas des dirigeants comme les autres. Ils construisent et réinvestissent constamment. Les perspectives sont forcément différentes et l’impact sur la place est important.

Patricia Capelle

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