Les avants et les après du coronavirus
Le Covid19 et la fin de la mondialisation heureuse
La chute du mur de Berlin en 1989 avait ouvert l’époque de la mondialisation heureuse. La fin de la guerre froide avait libéré les échanges et le commerce mondial. Dans cette démarche qui se voulait gagnant-gagnant, les pays occidentaux pouvaient trouver de la main-d’œuvre à bas coûts permettant d’accroître pouvoir d’achat de ses habitants et en particulier des classes moyennes. Les pays émergeants, devenant l’atelier des pays riches, assuraient à leur population à la fois les revenus et la capacité d’accéder à un pouvoir d’achat inconnu jusqu’alors.
En 2008, la crise financière a provoqué une première fracture dans cette mondialisation. Pour la première fois, les classes moyennes ont vu leurs revenus stagner et pour de nombreux cas, baisser. Nous avons vu alors l’émergence de plusieurs phénomènes :
- L’accélération de la mondialisation afin de compenser les pertes accumulées lors de la crise.
- l’arrivée en masse des smartphones qui allaient révolutionner les modes de relations et individualisé la diffusion de l’information.
- le développement du populisme ou des états providences pour répondre à la paupérisation des classes moyennes.
- l’arrivée de nouveaux rapports de force avec la montée en puissance des pays émergeants et en particulier de la Chine.
- le développement de l’État islamique et la déstabilisation d’une partie du Proche-Orient.
Ces mutations ont fortement ébranlés l’ensemble des équilibres à la fois géopolitiques et géoéconomiques mondiaux. Les conséquences politiques se sont fait rapidement sentir dans presque toutes les scrutins depuis 2016 avec l’élection de Donald Trump, de Bolsonaro, le vote du Brexit, l’élection d’Emmanuel Macron et la défaite des partis historiques en France, la montée en puissance de Vladimir poutine et de Tayyip Erdogan, l’élection à vie de Xi Jinping …
Et, dans le même temps, la Chine devenait la deuxième puissance mondiale avec des ambitions de développements bien plus importantes que d’être l’atelier du monde et de produire directement ses propres produits comme des Smartphones, des avions, des fusées, des trains et de prendre une grande partie des valeurs ajoutées technologiques jusque-là détenues par l’Occident.
Autre mutation, conséquence de l’arrivée des pays émergeant dans la consommation mondiale, le développement et la surexploitation des minerais et des terres rares, l’accroissement de la consommation des énergies fossiles et de la pollution associée. Dans le même temps, la prise de conscience écologique et du réchauffement climatique ont pris corps pour devenir un phénomène mondial.
Dernier phénomène, la perte de confiance collective pour les institutions mondiales ; l’ONU et son bras armé l’OTAN incapable de régler les conflits locaux et territoriaux : Russie vs Ukraine et la montée de l’Etat Islamique, et son incapacité à traiter voir réduire les conflits récents ; le FMI et son ingérence dans la vie économique de nombreux pays avec des conséquences sociales majeures; l’organisation mondiale du commerce (OMS) incapable de faire respecter les traités mondiaux par des acteurs tels que la Chine ou les États-Unis. Et à moindre mesure, l’Europe, qui a vu monter les populismes et eurosceptiques lors des récentes élections, trouve toutes les difficultés à porter d’une voix, son « projet commun » du vivre ensemble Européen.
Si la mondialisation des échanges est un vecteur de diffusion important comme dans toutes les pandémies que nous connaissons depuis des décennies, elle a eu là bien d’autres impacts. Les Français ont appris, depuis le début de la crise, que la plus grande partie de leurs médicaments était produit en Chine, que masques et tenues protection étaient aussi délocalisés et que nous risquions de ne plus pouvoir être approvisionné avec la fermeture des frontières liée au confinement des populations dans chaque pays et à l’arrêt des échanges commerciaux.
2020 marque le grand retour des états au premier plan pour résoudre la crise sanitaire et surtout les gouvernants en place devront prendre toutes mesures pour éviter de se retrouver dans un situation similaire pour la prochaine pandémie. Et suivant un principe de précaution évident pour tous, il semble clair aujourd’hui que les politiques vont devoir revoir sa politique de santé et vont pousser les industriels à re localiser les productions sensibles et où indispensables lors d’une crise telle que nous la vivons.
Dans quelle territorialité ? Si on ne voit pas comment changer la diversité des systèmes de santé des différents pays à court terme. Il faut qu’une politique de santé – en cas de crise – et de son financement, soit gérée au niveau Européen pour venir compléter les systèmes de santé locaux, garantir les approvisionnements des médicaments et des équipements nécessaires. Et aussi aider à la relocalisation des productions industries du médicament.
L’Europe, trop souvent décriée, a saisi l’opportunité de démontrer son rôle protecteur et son utilité à l’ensemble des concitoyens de l’union avec un plan de soutien et de relance de plusieurs centaine de milliards de d’euros permettant de soutenir les efforts des nations et de permettre de passer cette crise.
Dans le même temps, l’Europe à pris sa part dans la « guerre des vaccins » avec plusieurs tests en cours et un soutien de l’Union et de la Commission Européenne. Les moyens financiers mis à disposition par la Commission européenne pour la recherche d’un vaccin sont passés de 10 millions d’euros en janvier à 2,7 milliards d’euros à la mi-juin. L’objectif : financer les laboratoires privés les plus avancés et précommander des doses qui seront partagées entre Etats membres.
La Commission européenne a déjà atteint un stade avancé dans ses discussions avec cinq laboratoires pour commander 1,315 milliard de doses. Sa priorité reste la santé des citoyens européens, mais elle veut aussi garantir un accès mondial au vaccin. Elle a d’ailleurs garanti le dispositif COVAX mis en place par l’OMS, destiné à favoriser la vaccination dans les pays pauvres, à hauteur de 400 millions d’euros.
Ces opportunités, doivent aussi redonner un sens politique aux actions menées au niveau de l’Union Européenne qui pourrait être le premier pas de réaction et d’indépendance pour moins subir les nouveaux modèles de relations internationales imposées par les Etats Unis et la Chine et fondé sur des logiques de blocs et de puissance.
* mise à jour le 22/10/2020
Philippe Rouger
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