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Santé : La France découvre l’incertitude et devra certainement réapprendre la fatalité

Le monde de la santé est un monde très particulier. J’ai été amené à croiser des professionnels de santé dans de nombreux cadres, familial tout d’abord avec des médecins et des paramédicaux, professionnellement dans un projet de start-up et en participant à de nombreuses réunions organisées par l’industrie du médicament mais aussi personnelle au travers de plusieurs épisodes qui m’ont amené dans les services hospitaliers français.

Et c’est certainement le plus proche du monde militaire. On n’y retrouve le même environnement d’incertitude et de danger avec la volonté permanente de combler cette incertitude par de la rigueur, des méthodes et des protocoles autant que par l’excellence des professionnels qui les mettent en œuvre. Autre caractéristique de ces deux mondes, la discrétion et la recherche de la plus grande maîtrise de l’information.

La crise sanitaire que nous vivons est en train de tout chambouler

Pour la première fois, l’arrivée d’un virus dont la diffusion est mondiale est suivie par les médias et les réseaux sociaux 24 heures sur 24. Tout le fonctionnement du système ou des systèmes sanitaires mondiaux sont dévoilés. Nous avons tous les matins le suivi des nouveaux cas des personnes hospitalisés ou admises en réanimation et du nombre de décès mondial mais aussi par pays, par région, par département, par hôpital et maintenant par EHPAD.

Les citoyens du monde entier ont découvert ébahi que le gouvernement chinois confinait une agglomération de 15 millions d’habitants et après une région de 50 millions d’habitants pour contenir un virus qu’ils annonçaient inconnu et mortel. Dans nos pays occidentaux, nous vivons depuis des décennies dans des systèmes de santé qui semblent parfaitement maîtriser, ou toute l’autorité est laissée aux professionnels de santé et à l’industrie médicament pour nous apporter les meilleurs traitements possibles.

Pour ce faire, nous leur avons délégué l’ensemble de l’incertitude liée à la gestion d’un système de santé. Il suffit de voir la complexité que demande la mise sur le marché des médicaments pour comprendre à la fois toute la difficulté d’offrir de nouveaux traitements mais aussi toute la sécurité qui est normalement apportée aux patients dans les protocoles qui lui sont appliqués. Pour résumer, le principe était que les médecins, les autorités de santé, et l’industrie du médicament étaient garants de la qualité des traitements qui nous étaient appliqués.

Depuis des décennies, les gouvernants nous expliquent que nous avons, si ce n’est le meilleur et le plus sûr, en tout cas un des tout premiers systèmes de santé au monde. Certes, ces dernières années, les entorses à cette affirmation semblent s’être multipliées ; le médiator, les prothèses mammaires défectueuses ou le médicament pour les problèmes de thyroïde ont remis en cause une partie de la confiance que les français mettaient dans le système de santé.

Lanceurs d’alertes et réseaux sociaux ont fait surgir ces sujets qui seraient très certainement restés « confinés » s’ils n’avaient pas existé.

Avec la pandémie du Covid19, une nouvelle étape vient d’être franchie dans l’accès à l’information

Nous vivons pour la première fois en live la progression d’une pandémie.

Nous pouvons constater en « breaking news », la montée des morts et des hospitalisations, les atermoiements des politiques, la découverte d’un système hospitalier public avec des problématiques de capacité très importante face à la crise sanitaire qui s’annonçait, le conflit ouvert entre un système hospitalier public et le système hospitalier privé qui ne se parle pas, un manque de matériel à tous les niveaux (masque, respirateur, tenue médicale … ), les médecins qui s’étripent sur des options de traitement, le non accompagnement des EHPAD pendant des semaines alors même que ces établissements regroupent la population la plus en danger, la nécessité pour le plus grand nombre de rester confiné pour éviter que le système hospitalier soit submergé et que la santé est devenue la responsabilité de chacun car aucun traitement ne viendra nous sauver à court terme.


Bref, notre système, si parfait qu’il était annoncé, est dans l’épreuve pas à même de nous donner une réponse sanitaire satisfaisante sans que soient prises des mesures d’exception tel que le confinement, le couvre-feu ou les appels à l’armée tout en mettant une énorme pression sur les soignants qui doivent se débattre à la fois contre la maladie et contre le manque de moyen.

Et nous sommes passés en quelques semaines de la sidération à une multitude de questions sans réelles réponses provoquant incertitude et inquiétude pour tous.

Tout cela aura des conséquences majeures, car on ne pourra pas laisser la population sans réponse.

Acceptera-t-on de continuer de déléguer la responsabilité d’un système de santé à des institutions qui à défaut d’avoir failli n’en ont pas complétement la maîtrise ?

Ce débat qui ne manquera pas de s’ouvrir à la fin de cette crise sur comment retrouver la confiance en un système de santé mieux préparé qui nous permettra de mieux accepter une certaine fatalité lors de la prochaine pandémie, comme cela est le cas pour les grippes saisonnières ou des grandes pandémies comme celle de la grippe de Hong Kong en 1969 qui est la dernière où les écoles avaient été fermées et qui avait fait plus de 30 000 morts en France. Le parcours sera long.

Philippe Rouger
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