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Coronavirus et les mutations géopolitiques en cours : La victoire de la Chine et les crises occidentales

Michel Rouger nous donne à 8 ans d’intervalle sa vision des mutations géopolitiques en cours et à venir dans la suite des crises successives qui impactent nos sociétés mais aussi les équilibres géopolitiques, notamment entre la Chine et les pays occidentaux.

Symbolisées par une fable, les conséquences de la crise sanitaire en cours s’inscrivent aussi dans le temps long qui avait été exprimé lors d’une conférence de janvier 2012 à Budapest sur « l’influence des crises sur les professions juridiques et judiciaires » 


La Gentille Fée, le Méchant Virus et le Vilain Rentier

Les temps sont à l’angoisse et aux affabulations. Le fabuliste  y apporte un propos d’apaisement.

« Il était une fois, en l’an de grâce 2019, une gentille Fée, toute jeunette et toute mignonne, à la blondeur diaphane, qui parcourait le monde avec sa baguette magique. Pénétrant dans tous les palais et résidences golfiques des puissants de la planète, accompagnée de la cohorte médiatique dont elle était la mascotte, notre gentille Fée pointait de sa baguette ce qu’il fallait transformer pour que les êtres humains ne soient pas maltraités, par la nature, à la mesure de leur propre maltraitance.

Avec obstination et douceur, sa baguette magique pointait le transport aérien qui empoisonne le ciel, le transport maritime qui transforme les océans et les mers en poubelles, les cheminées d’usine qui encrassent le ciel et la terre et les pesticides qui altèrent la nourriture et font tousser l’humanité. Force est de constater que ces pérégrinations n’ont ni ému, ni bousculé les puissants. Quelle qu’ait été la conviction de cette adolescente, elle ne fut reprise, sans effet, que dans les grandes messes où ces puissants priaient à haute voix en choisissant de ne rien faire. Il lui restait à visiter l’usine du monde. Rendez-vous fut pris pour le 31 décembre à Pékin.

À peine posée sur le tarmac de l’aéroport, notre gentille Fée, baguette à la main, a reçu dans l’avion la visite de la commissaire à la Magie et aux Miracles, auprès du parti régnant sur son peuple millénaire. Elle a compris qu’il faisait très froid et qu’il serait préférable qu’elle rejoigne la Chine du Sud, sa cohorte médiatique étant, elle-même, dirigée vers des rivages moins glacés que ceux de la Grande muraille.

C’est ainsi qu’elle s’est retrouvée dans le sud profond, dans une station thermale ou sa cohorte médiatique n’a pas su arriver. Elle y a été reçue par un petit homme dont le visage disparaissait sous un énorme masque qui laissait apparaître deux petits yeux bridés. Il avait la surprenante allure d’un masque avec des pattes. Après congratulations, elle a été conduite dans une salle où figurait une grande mappemonde sur laquelle elle a été invitée à pointer sa baguette sur une ville dont elle n’avait jamais entendu parler WUHAN.

Le petit homme masqué lui a demandé de donner un second coup de baguette pour faire apparaître le fameux marché de Wuhan, fréquenté par cette partie de la population chinoise, dite des minorités populaires, réputées, à tort ou à raison, pour pratiquer une alimentation millénaire, partagée avec de multiples animaux issus des profondeurs de la nature. Ces migrants de l’intérieur, saisonniers affamés, manifestaient la voracité des êtres humains, au risque de  subir les multiples infections offertes en cadeau au monde entier.

Un 3ème coup de baguette a fait apparaitre le Virus du Soleil Levant, offert généreusement comme étrennes de nouvel an 2020, qui a exaucé les vœux de la gentille Fée : les avions, les bateaux, les usines, les agricultures du Grand Satan occidental allaient rendre l’âme, la Chine éternelle allait enfin pouvoir polluer à tout va, toute seule en dominant le monde.

C’est alors que le petit homme à fait tourner la mappemonde en demandant à la gentille Fée de pointer sa baguette sur Paris. Il est parti dans une déclaration d’amour à la France et à Paris qu’il avait connu à la fin des années 60, en y terminant ses études de médecine. Il a demandé un 2ème coup de baguette pour faire apparaître Montmartre et la rue Poulbot où il avait vécu en admirant l’œuvre de ces Républicains communards qui avaient su faire vivre la Commune, après la déclaration de Clémenceau de mars 1871.

Puis tel un amoureux déçu, le petit homme est reparti en diatribe contre les Français qui s’étaient installés dans un système de double rente. Ils ne pensaient plus, selon lui, qu’à trouver le meilleur argent dormant qui leur éviterait de prendre le moindre risque, et de soutenir leur industrie qu’ils ont laissé partir sur les rives du Fleuve Jaune. Pire, ils ont installé la rente du diplôme qui permet de sauvegarder les bonnes places, en rejetant au pied de l’ascenseur social brisé, les sans Dents de 2012, anciens sans Culottes, promis à être les sans Masques de 2020. La gentille Fée, excédé, a pointé sa baguette sur la tête masquée pour faire disparaitre cet attardé des Mao-spontex de 1968, qui ne représentait pas la Chine du bienveillant Monsieur XI.

Moralité : les Européens ne doivent pas confondre la Route de la Soie avec l’Hymne à la Joie.»


Extrait de la conférence de Budapest de Michel Rouger

LA victoire de la Chine et les crises occidentales

« Depuis 30 ans, l’Occident est face au problème de l’émergence économique et politique du plus grand peuple de la planète, la Chine. Napoléon 1er l’a prédit, jadis, en son temps, Alain Peyrefitte l’a prophétisé , naguère, écrivant que son réveil ferait trembler le monde.

Les tremblements de cette crise vont secouer tous les peuples pendant le temps des vues humaines. Spécialement en Europe. Et plus encore en France.  Pour comprendre la profondeur du trouble, il faut regarder l’accumulation des défaites annoncées, avec précision, il y a dix ans, dans « La victoire de la Chine » de Mandelbaum et Haber aux Editions Descartes.

On ne peut pas dire que l’énoncé du problème posé à l’Occident l’ait mal été. Au contraire. Mais la pensée occidentale de la Pax Américana du début de 21ème siècle, de signe zodiacal judéo chrétien à fort ascendant protestant, était occupée ailleurs. Elle réagissait, en religion, contre l’Islam, en méprisant la réalité géopolitique de la conquête chinoise. Les réponses apportées furent tardives et, plus grave, erronées.

Cette quête de puissance du plus grand peuple du monde, fut clairement décrite, par Mandelbaum,  sous forme du croisement de deux courbes des développements de l’Occident et de l’Orient chinois. Le premier croisement s’est produit à la fin du XVe siècle lorsque l’Occident a  accumulé les manifestations de sa puissance, la découverte de l’Amérique, la renaissance, le siècle des lumières, les révolutions industrielles et les conquêtes coloniales, alors que l’Empire du milieu allait décliner pendant la même durée.

Le second croisement a achevé l’inversion des deux courbes lorsqu’à la fin du 20ème siècle, l’Orient chinois a profité du déclin de l’Europe ravagée par un siècle de guerres civiles,  ayant entraîné la perte de trois empires, l’anglais le français et le russe. Ce que Mao Tsé Toung, mort en 1976, n’avait pas imaginé, Deng Xiaoping l’a mis en œuvre aussitôt après sa disparition. Il ne restait plus aux occidentaux  qu’à observer, et subir, ébahis, muets d’interrogations, les progrès de la Chine en 30 ans.

Il est aussi intéressant qu’inquiétant d’entendre, début 2012,  le premier Ministre chinois « rassurer » les Européens en affirmant à son premier client, l’Allemagne, que la Chine ne voulait pas racheter l’Europe. Ce qui peut aussi signifier, qu’en l’état où il la voit, il attend qu’elle soit vendue «  à la casse ». Face à ce problème majeur, annoncé et vérifié, les trois réponses de l’Occident ont chacune aggravé une crise, dont il a enfin été pris conscience lorsque la cigale Europe est allée « taper » la fourmi chinoise.

La première réponse à considéré que, de l’instant où le monde, dit émergent, Chinois en tète, avait choisi le modèle de l’économie de marché, il avait ipso facto rejoint le modèle occidental construit sur le bien-être, la croissance, la démocratie. C’est faux et archifaux.

Alain MINC, lui-même, auteur de « la Mondialisation heureuse », en 1997, a corrigé, en 2004, dans « ce Monde qui vient » en évoquant le capitalisme chinois de l’apocalypse. Jean Marc DANIEL, historien et économiste lucide qui pourfend la sinobéatitude qui règne en France, en 2012, n’est pas plus entendu. La Chine se développe en forte croissance sans démocratie grâce à un bien-être très sélectif. Le Japon vit le bien-être de la démocratie sans croissance depuis 20 ans. Quant aux Etats pétroliers dont les Emirs ou les oligarques achètent l’Europe, ils vivent de la rente, sans croissance industrielle, ni liberté démocratique.

La seconde réponse à considéré que l’Occident organisateur de la globalisation des échanges gérerait la répartition du travail entre les pays, en se gardant les fonctions « nobles », et en laissant partir les petits emplois chez les pauvres, comme il l’avait fait au XIXe siècle avec les classes sociales non instruites prolétarisées invitées, par la bourgeoisie instruite, au développement du machinisme et de l’industrie. Faux et archifaux.

Certes, chaque pays assure son émergence en prenant en charge les travaux les moins rentables jusqu’à trouver celui qui en héritera. Il le fera au fur et à mesure que son  développement économique lui permettra de prétendre à des productions industrielles plus rentables entrant en concurrence avec les productions occidentales restant à  absorber.

La troisième réponse a consisté à laisser la Chine devenir l’usine du monde, à lui permettre d’utiliser le formidable potentiel de ses propres migrants, les Chinois dits d’outre mer, pour coloniser, au nez et à la barbe de l’occident, les territoires des anciens empires coloniaux abandonnés. Erreur imbécile, digne d’un gribouille obsédé par un appétit maximum de biens de consommation, pour un prix minimum. Ce qui n’a fait qu’aggraver et accélérer la remontée de la courbe bien au-delà du croisement constaté il y a dix ans, dans « la victoire de la Chine » sur un Occident victime de sa propre bêtise arrogante. La messe est dite. »

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