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Le siège social de l’entreprise : une maison commune

Il était assez usuel que le siège social de l’entreprise soit conçu comme un lieu sacré.

L’endroit où se retrouvent les managers de haut niveau, ceux qui font et défont les politiques externes et internes de l’entreprise, ceux dont il faut parfois souhaiter le contact ou au contraire qu’il faut fuir prudemment. Car c’est ainsi, les hauts dirigeants ont durant ces dernières années cultivé une mise à distance du salarié ordinaire, histoire de ne pas être dérangé. Des lieux clos aux accès limités à l’intérieur de sièges sociaux plus ou moins ostentatoires. Parfois conçus comme des écrins secrets, des lieux ou un certain entre-soi tamisé et insonorisé prédomine.

La typologie des sièges sociaux pourrait-elle être envisagée autrement ?

C’est en tout cas un signe que semble vouloir donner le groupe français de télécom Orange avec son nouveau siège. Un siège dont le nom n’a probablement pas été choisi au hasard et dont la récente inauguration a dévoilé toutes les ambitions.

Un nom tout en symbole

Son nom, que l’on imaginait plus comme un nom de code-projet : « Bridge ». Car en français, le mot bridge se réfère tout au plus à un élément de réparation dentaire que seuls les plus de 50 ans peuvent connaitre. Bridge c’est aussi un jeu, un jeu de carte où il faut savoir gérer les annonces, déterminer les contrats et accepter de perdre pour remporter la victoire. Car l’essentiel ici est de ne jamais perdre de vue et ne jamais rompre la communication, quoi qu’il en coûte.

Mais Bridge dans l’imaginaire d’un groupe qui opère partout dans le monde c’est avant tout un pont. Le pont. Celui qui relie hier et aujourd’hui, là-bas et ici, un lien plus qu’un chemin.

C’est par ce lien que les dirigeants d’Orange vont continuer à diriger les manœuvres.

Le bureau est mort, vive le bureau

Un projet né bien avant la pandémie, dont l’objectif a souvent été remis en question.

Du haut de ses 8 étages, les 56 000m2 du bâtiment accueillent « seulement » 3 000 salariés permanents, soit plus de 18,6 m2 par salarié. Un tel ratio aurait pu susciter envie et sarcasme si cela ne cachait une autre réalité.

Car dès l’origine du bâtiment, l’objectif et toute la conception tournent autour d’un seul et unique concept : la suppression des bureaux et des postes attribués. Un chamboule tout considéré comme dangereux par de nombreux intervenants.

L’idée selon laquelle on travaille mieux si l’on a pas établi un lien privilégié avec sa chaise, son bureau, ses collègues de service ; l’idée selon laquelle un salarié du siège est souvent un salarié en déplacement où en télétravail et donc n’occupe en réalité que très peu ces locaux dédiés.

Ainsi donc cette structure a été conçue comme un immense aquarium où les poissons se déplacent et se posent au gré de leurs envies, de leurs besoins sans aucune entrave matérielle.

Un projet initié avant Covid-19

La bataille du Flex-office est-elle une bataille d’arrière-garde ? Peut-être. Les salariés ont-ils besoin d’un bureau ? Ont-ils besoin de retrouver toujours les mêmes collègues autour d’eux pour être plus efficaces ?

Les réponses en 2020 et celles que l’on peut apporter en cette fin de 2021 ne sont plus les mêmes.

Entre temps, il y a eu cette pandémie, celle qui a accéléré la mise à distance du salarié, celle qui a montré que l’on pouvait parfois travailler très efficacement sans pour autant partager le même comptoir de cantine. Celle qui a pointé du doigt les bienfaits et méfaits de l’absence et de l’ancrage d’habitudes qualifiées de routinières et coûteuses, mon bureau, ma place mes collègues.

Mais elle a aussi éclaté les équipes, dissout les liens, démontré à l’ensemble des salariés tous les bienfaits du télétravail.

Une mise à distance voulue

L’entreprise ne voulait plus les héberger, estimait que les coût des m2 de bureaux ne se justifiaient pas aux vues de la rentabilité de ces « fonctions sièges » qualifiées de support.

Les salariés auront peut-être le sentiment d’être les nouveaux « Chic-ouf », chic ils arrivent, ouf ils repartent. Si tel est le cas l’entreprise devra aussi rester vigilante car il vient un moment où ils ne voudront plus revenir et l’entreprise pourrait aussi vivre le déclin fatal associé à cette posture.

Chez Orange en tout cas « Bridge » comme l’a rappelé son président, Stéphane Richard, a été imaginée comme la maison commune. De nouveaux usages viendront prendre le relais. Et cette configuration particulière, post-pandémie, sera observée avec intérêt.

Patricia Capelle
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