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Le Brexit : surprise et risque de méprise

Improvisation et impréparation. Après l’adoption surprise du référendum sur le Brexit, Britanniques et Européens prennent conscience du flou juridique qui entoure les conditions de sortie de l’Union. La construction européenne s’est faite sur la base d’une adhésion volontaire et dans le respect du droit. Mais des deux côtés de la Manche, la lecture du droit s’apprécie différemment selon les sources. Article 50 d’un côté, tradition constitutionnelle britannique de l’autre. Et comble de confusion, une tradition anglaise qui ignore le référendum et donne le pouvoir de décision au Parlement.


La famille royale britannique, les ROYALS, adorent annoncer et fêter les naissances des princes qui feront le bonheur et la puissance de la lignée. Les surprises n’y sont pas la coutume, les méprises encore moins. Les sujets de sa majesté qui voient naître les projets de leurs dirigeants n’aiment pas plus les surprises et les méprises.

 

Et voila qu’à Londres le doute s’insinue sur la viabilité du projet BREXIT. Jean Pierre SPITZER, secrétaire général du Mouvement Européen se fait l’écho des propos sérieux entendus sur le sujet, compliqué, du droit des institutions, qui, faute de préalable, d’expérience, lui inspire sa propre réflexion sur un détail auto bloquant.


Doute sur la viabilité du projet BREXIT ?

Tout le monde semble considérer le Brexit comme acquis, y compris au sommet de mi-septembre qui a réuni, à Bratislava, l’Europe des 27, sans le Royaume-Uni, pour débattre de l’avenir de l’union Européenne. Autant dire qu’on commençait à se partager la peau de l’ours avant qu’il ne soit mort.

Certes, on pourra toujours objecter qu’il s’agissait d’une réunion politique et que rien n’empêche de se réunir pour discuter de l’avenir de l’Europe sans nos amis anglais, mais ce serait de la mauvaise politique. Juridiquement aucune décision de Brexit n’a été adressée au président du conseil européen, ni au président du conseil des ministres en exercice, ni au président de la commission.

Tout au plus, la possibilité d’une demande de mise en application de ce fameux article 50 d’ici la fin mars 2017 a été évoquée. Rappelons qu’un des fondements essentiels de notre union européenne est l’État de droit puisqu’elle a été construite par le droit et par adhésion volontaire, non par la force ou la contrainte.

Il est indiscutable que le jour de la réunion de Bratislava, le Royaume-Uni était et est toujours membre de plein droit de l’union européenne, comme il est indiscutable que le peuple britannique a décidé par voie référendaire de quitter l’union européenne. Tout cela résulte de l’ambiguïté, voire des effets pervers de la rédaction actuelle de l’article 50 du traité de Lisbonne dont la teneur est la suivante dans sa version anglaise :

« Any member state may decide to whithdraw in accordance with its own constitutionnal requirements »

 

Brexit: une procédure de sortie de l’UE complexe

 

Or le peuple britannique a décidé, mais la question est posée de savoir si c’est l’État membre, conformément à ses règles constitutionnelles qui doit décider. En clair est-ce que cette position du peuple britannique constitue, d’une part, une décision au sens du droit ou de la tradition constitutionnelle britannique et, d’autre part, la décision au sens de l’article 50 du traité.

Le propos n’est pas ici de faire une analyse juridique constitutionnelle britannique ni même de recenser les différentes et nombreuses opinions émises sur le sujet mais de porter à la connaissance de ceux qui ne suivent pas les affaires juridiques de très près – et on peut les comprendre – que les Britanniques ne sont pas d’accord entre eux.

Y compris les Lords en charge de dire le droit : pour certains le référendum vaut décision pour d’autres non, au motif, premièrement, que le référendum ne fait pas partie des coutumes constitutionnelles britanniques, et, deuxièmement, que seul le Parlement peut, au pays qui l’a inventé, décider, conformément à la tradition britannique.

Le débat est ouvert ! Y compris au Parlement britannique, au sein duquel il est tout sauf certain qu’une majorité accepte aujourd’hui de prendre la décision de quitter l’UE.

 

Brexit : un sacré imbroglio !

Qui découle du choix d’une « bonne politique » au sens où l’entendent les euroréalistes qui vilipendent tant les européistes, prétendument trop idéologues. En effet, l’Union Européenne, qui – à juste titre, ne doit pas se mêler des organisations publiques constitutionnelles internes des états membres – leur a logiquement renvoyé la question mise en débat, le retrait, acceptant ainsi de ne pas fixer elle-même la règle et surtout les modalités qui conditionnent son existence en tant qu’Union, ou tout du moins le périmètre de cette Union.

L’effet pervers crève les yeux et contraint les euroréalistes à faire des moulinets et à passer par des circonlocutions politiques pour éviter la logique implacable du droit institutionnel, n’hésitant pas à qualifier de cuistres ceux qui se confrontent à la réalité de la séparation.

Nos amis britanniques qui ont toujours un grand sens du droit et une très grande conscience de leur intérêt propre, savent que des lors que, selon l’article 50 du traité cette décision est entre leurs mains, au lieu de considérer exécutable la décision déjà prise de négocier, veulent savoir ce que sera leur sort avant d’adresser leur « we Leave ».

 

 

On marche sur la tête, y compris en ce qui concerne le droit institutionnel européen dans le cadre du fédéralisme fonctionnel qui régit l’Union. Seule celle-ci est compétente en matière d’adhésion et d’éventuelle sécession – sortie en ce qui concerne les modalités de celle-ci.

 

C’est à l’Union Européenne de fixer les règles !

On n’imagine pas un État membre vouloir adhérer à l’Union Européenne selon ses règles internes en ce qui concerne la discussion sur l’adhésion. Seule l’union doit fixer ses règles. Il est renvoyé à cet égard à la réponse de LAO TSEU, à la question posée par l’empereur de Chine quant à la meilleure manière de gérer un si grand empire : respecter les compétences.

Ce n’est pas le système institutionnel mis en place en 1950 /1957 (déjà furieusement mise à mal par le traité de Nice) qui est critiquable, et encore moins responsable de cette situation mais le mépris dans lequel les auteurs euroréalistes inter gouvernementaux le tiennent.

En conclusion c’est toujours une erreur de ne pas respecter les fondamentaux institutionnels de l’Union qui aurait dû, non pas au mépris des droits et de la souveraineté des états membres, mais par application de ses fondamentaux, fixer ses propres modalités en matière de sécession éventuelle, comme elle l’a fait pour les adhésions. Surtout, qu’en l’espèce, il n’était pas si compliqué d’exiger que la décision de quitter l’Union relève, certes, de la souveraineté de l’Etat membre mais doive répondre à des règles fixées par l’Union.

Jean-Pierre Spitzer
Secrétaire général du Mouvement Européen
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