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Information, manipulation ou course à l’audience

L’information est depuis longtemps une arme. Une arme destinée à convaincre, fédérer autour de soi ou contre autrui. Rien de très nouveau dans ce constat.

La doctrine Gerassinov que l’on redécouvre aujourd’hui, révélée par son auteur très publiquement à la Douma en février 2013, lui donne une place centrale. Le concept de la guerre hybride compose et impose ce nouveau département dédié à « la guerre de l’information », un savant dosage de contre-propagande, de piratage informatique et de diffusion de fausses nouvelles.

Il semble même qu’à l’analyse, cette arme soit dorénavant un atout bien plus efficace que les moyens tactiques traditionnels russes qui peinent à convaincre.

Les médias traditionnels sont-ils sourds ou aveugles?.

A l’heure où le doute s’installe, où les alternatives à l’information émise par des professionnels progresse, où leur professionnalisme ne fait plus l’unanimité, il semble que rien ne change.

À la une des plus grands journaux du pays ont lit plus de critiques que d’analyse critique. On fustige des choix politiques avant même d’avoir entre-aperçu les plans d’action. Lorsque la composition d’un gouvernement est critiquée quelles heures après en avoir pris connaissance, quel crédit peut-on apporter à des analyses basées uniquement sur les hypothèses et prévisions de leurs auteurs ?

La critique est aisée, certes, mais il est difficile de comprendre l’intérêt de ce qui tient dorénavant plus lieu de la posture que de l’analyse. Or malheureusement les données sont sans appel. C’est une tendance lourde. Une information négative a beaucoup plus chance d’être prise au sérieux et donnera lieu à une diffusion bien plus large qu’une information qualifiée de « positive ».

En lieu et place de l’information, les journalistes se sont laissés aller à la course à la popularité.

Être acerbe, est plus valorisant que d’être bienveillant. Alors le choix est simple, plus on médit, plus la part d’audience est élevée, plus la carrière des émetteurs a de chances de s’inscrire dans la durée.

Ce constat ancien lié aux talkshow, antithèse de l’information par excellence, est de plus en plus vrai dans les titres de journaux dits sérieux auxquels cette tendance n’a pas échappé.

Bien plus les journalistes ont laissé place à la discussion plus ou moins éclairée sur les sujets traités. Alors que toute crédibilité repose sur la confiance et le professionnalisme des recherches, ce genre a été abandonné au profit de l’animation d’avis d’experts. La parole donnée aux experts, plus ou moins autoproclamés a déplacé la charge de la preuve et de la vérification des dires. Le journaliste s’en remet à ce qui est énoncé par ceux qu’il a invité.

Dès cet instant il est dégagé de ses obligations, et ce faisant il perd l’essence même de sa profession, l’intégrité, le travail et la confiance qui en découle. Insidieusement il est devenu simple commentateur et a perdu toute légitimité.

Alors peut-on s’empêcher d’écrire ce qui plait au profit de ce qui est juste ?

C’est un tournant que certains journalistes ont décidé de prendre.

Les chroniques de Michel Mompontet en sont un bon exemple ; 9 minutes pour revenir sur la volée de bois verts envoyée à l’encontre du tout nouveau ministre de l’éducation nationale.

  • Ces journalistes resteront ils isolés ou prendra-t-on enfin conscience de la nécessité de s’en tenir à rapporter des faits, émettre des opinions sur ce qui est tangible ?
  • Acceptera-t-on enfin d’ignorer les sirènes des discussions à propos de « on dit » ou de faits non-avérés ?
  • Acceptera-t-on enfin de laisser les critiques à priori au profit de la critique a posteriori ?

Il en va de la démocratie. De la capacité d’une société à refuser la manipulation au profit de la recherche de la vérité.

C’est moins amusant, plus contraignant. La victoire contre les systèmes tels que ceux développés par Gerassinov est à ce prix.

Patricia Capelle

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