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Coupables aveuglements, confortables certitudes

La vigilance, la prudence et un brin de paranoïa, ennemis jurés du contentement, de l’autosatisfaction et de la confiance aveugle ne devraient jamais être méprisés.

Chefs d’entreprise et dirigeants politiques en éprouvent pourtant chaque jour les conséquences.

Arrogance et puissance

Comme si l’arrogance était un signe de puissance, un gage de commandement éclairé, une clé de réussite souveraine et magique, dirigeants politiques et dirigeants d’entreprise semblent partager une même faiblesse. Un excès de confiance en leur propre pouvoir, leur clairvoyance absolue et leur invulnérabilité, encouragé par la cour qui gravite autour de leur galaxie et souvent fatal.

N’ont-ils pas appris des fables de La Fontaine. A cette littérature enseignée aux enfants ils préfèrent les références guerrières, l’art du plus fort.

La croyance folle en la méthode Coué ne passe pas l’épreuve des faits

Trump pourrait y perdre sa santé, voire sa réélection. Persuadé de son immunité, de sa puissance, il n’a pu résister au virus et nier la réalité ne l’a pas vacciné. Il est malade. La suite de sa campagne semble compromise à moins de 30 jours de l’élection. Il va devoir gérer l’absence. Un élément qui peut s’avérer positif ou négatif, décisif selon l’appréciation qui en sera faite. Trop tôt pour conclure.

Trump, incapable de douter, est aux yeux de beaucoup le héraut d’une Amérique forte qui n’a peur de rien ni de personne. Une Amérique qui se rit des problèmes pour mieux les anéantir. Cette dynamique peut porter à sourire. Elle est néanmoins très efficace.

Trump donne confiance à ses partisans, comme si sa confiance absolue en lui-même et son mépris des faits et de la réalité leur donnait aussi l’immunité, l’invulnérabilité à laquelle ils aspirent. Lorsque Trump n’écoute pas la réalité, il la transforme, il plie les faits à sa propre volonté. L’eau de Javel nettoie le corps de l’intérieur, buvons de l’eau de Javel. Comme si obéir aux consignes de « Jacques a dit » ne pouvait en aucun cas comporter de danger.

Trump emporte ses partisans dans un univers magique qui n’obéit à aucune règle et transforme l’homme en surhomme. Les opposants crieront à l’aveuglement, les partisans resteront sceptiques. S’il n’est pas fortement malade ils seront instantanément confortés dans la confiance absolue qu’ils lui portent. La maladie renforce ici la conviction de chacun.

Reste le timing. Il ne maîtrise ni l’intensité ni la durée de l’affection qu’il a contractée. Son absence n’est pas rigoureusement encadrée.

Ce sont aujourd’hui les faits qui dictent son agenda. Quelle que soit l’issue de la maladie, elle reste seule aux commandes. Nier ne sert plus à rien. Toute sa garde rapprochée est aussi impactée. Il est contaminé au même titre que tous ceux qui autour de lui décidaient, dirigeaient. Là encore, les conséquences à terme peuvent lui être favorable, mais dans l’immédiat les dommages sont irréfutables. Toute la machine est grippée. L’épidémie niée a repris ses droits. Pas de compromis avec elle.

Cet effet papillon dévastateur, politique, économique et financier percute le monde entier.  Il remet aussi directement en question les fondements de la démocratie aux Etats-Unis et la validité de l’élection à venir.

Dommage collatéral, éviction coupable

Le patron de Suez lui aussi en fait l’amer constat. L’absence de précaution risque de lui être fatale.

Il ne va pas être débarqué en raison de ses résultats calamiteux ou d’une gestion sociale hasardeuse, bien au contraire. Il a cru que les succès engrangés lors une année difficile seraient garants de la position qu’il occupe. Selon certains il n’a rien vu venir. Et pourtant. Il est tout bonnement écarté, malgré sa gestion positive. Quelle que soit l’issue, il a perdu la partie.

Aurait-il pu contrecarrer les ambitions de certains rien n’est moins sûr. Il est cependant évident qu’il ne s’est pas préparé à l’attaque.

Vaincu sans combat. Certains se moquent invoquant le Lièvre parti trop tard dans la course. Il y a fort à parier que c’est bien pire. Il n’a pas imaginé un seul instant le danger.

Or les facteurs de risque étaient largement présents. D’un côté une volonté de rachat affichée depuis des années par l’un de ses concurrents. De l’autre une opportunité, un changement de dirigeant, un changement de politique de son actionnaire principal.

L’aveuglement n’est pas à porter au seul compte du dirigeant, mais de l’ensemble du Comex. On évoque a posteriori l’énergie déployée à mettre en place un plan stratégique faisant fi de l’environnement, du contexte et de l’histoire.

Le prédateur était aux aguets depuis longtemps. Baisser sa garde était dangereux. La vigilance était de mise. L’ignorance ici d’une composante essentielle de l’entreprise, à savoir la stabilité de l’actionnariat et le pouvoir de la gouvernance, est fatale. Très vite lâché par le président du conseil d’administration, le Président Directeur Général n’a plus aucun levier.

Au début de l’offensive Bernard Camus PDG semblait aux commandes. Il discutait avec Antoine Frérot le PDG de Véolia, mais un mois plus tard, c’est Philippe Varin Président du Conseil d’Administration qui s’exprime au nom du groupe. Le président du Conseil d’administration dirige la contre-offensive et l’éventuel accord. Quelle que soit l’issue de la bataille, ce n’est pas lui qui sera comptable de l’opération mais bien le PDG qui n’a rien anticipé.

Une position qui peut sembler injuste. C’est oublier les fondamentaux. Le rôle et la place de chacun. A l’heure de la tempête les courtisans ont disparu les conseillers ne sont pas mis en cause. Bernard Camus a t’il pêché par excès de confiance ? A t’il été mal conseillé ? Comment est-il possible que personne n’ait évoqué ce scénario lors du changement à la tête de son principal actionnaire. Trop tard. Certains ont éprouvé la difficulté de transmettre des rapports alarmants à leur dirigeant se trouvant dans l’impossibilité de traverser une garde rapprochée complaisante et unie.

Force est de constater que l’aveuglement reste la responsabilité de celui qui ne sait pas s’entourer et n’ose inclure un trublion dans son entourage, un élément qui questionne au lieu d’approuver sans encombre. Le contre-pouvoir absolu à l’aveuglement lié aux seules bonnes nouvelles ne peut être négligé.

Patricia Capelle
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