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Et si la TPO était une bonne option pour le football ?

Ce mercredi minuit (31 janvier 2018) se refermera les portes du mercato d’hiver. Sauf mouvement important de dernière minute, ce marché restera peut-être le plus calme depuis longtemps. Pourquoi ? Hormis Barcelone qui voulait absolument Coutinho (partit de Liverpool pour 160 millions d’euros, sans pouvoir joueur la Ligue des Champions 2018), aucun club riche n’aura vraiment agité le marché, même pas le PSG. Alors une des questions que soulève la TPO (tierce-propriété) est : comment permettre aux clubs challengers d’avoir les moyens de lutter contre les clubs sur-puissants financièrement sans vendre leurs meilleurs talents ?

 

Qu’est ce que la TPO ou la tierce-propriété ?

 

Pour les néophytes, la TPO ou tierce-propriété, c’est un système qui permet à un club d’acheter un joueur mais de ne pas l’acheter seul, de co-financer l’achat d’un joueur.

C’est-à-dire, un transfert c’est un mouvement de joueur passant d’un club A à un club B. Pour cela, les 2 clubs doivent s’entendre sur un prix, c’est le système classique. Là, pour acheter un joueur à un club B, le club A va faire appel à un autre acteur pour financer ce mouvement, qui de fait fera de celui-ci le « copropriétaire » du joueur.

Et cela change les choses parce que cela induit que dans un transfert futur le club qui a la « copropriété » du joueur devra négocier avec un autre club souhaitant disposer du talent du joueur mai le transfert ne pourra se faire qu’avec l’accord de la tierce personne, le financier du premier mouvement.

Ce mécanisme fait l’objet de nombreuses critiques mais le sujet est plus compliqué qu’il n’y parait, il ne faut pas trop être manichéen de façon générale sur beaucoup de sujets mais là en particulier. Certes, il y a des effets pervers à combattre évidemment mais la TPO présente également un volet bénéfique.

La TPO a des effets pervers …

 

Commençons par celui qu’il faut combattre parce que l’on va être tous d’accord. Dans les personnes tiers, les potentiels « copropriétaires » donc, il n’y a pas que des personnes recommandables et donc quand on parle des affaires du football, des sujets de corruptions, des sujets de banditisme ou de grand banditisme, la TPO représente effectivement une faille dans le système puisqu’il est parfois difficile d’évaluer la qualité de la personne co-détentrice des droits sur le joueur ciblé.

Parfois même, il est difficile d’identifier les réelles personnes impliquées dans ce mécanisme, celles-ci usant de sociétés écran immatriculées le plus souvent dans des pays exotiques.

De fait, cette difficulté ouvre la porte à tous les fantasmes laissant penser que peuvent se glisser dans ces sociétés, toute sorte de personnes plus ou moins dangereuses.

La TPO est souvent critiquée parce qu’elle présente un autre effet pervers que les instances du football souhaitent combattre vivement. Avec la TPO, on s’éloigne du terrain pour aller vers une approche financière du sport et du football en particulier. Pour en vulgariser le,mécanisme, c’est un peu comme adapter le fonctionnement des SICAV au football.

Pour faire simple, avec une SICAV, au lieu de miser en bourse sur une société, vous misez sur un bouquet de sociétés et globalement vous allez pouvoir empocher la performance de ce bouquet de sociétés. Et bien ceux qui pratiquent la TPO ne font que miser financièrement en achetant des « petits bouts » de plusieurs joueurs, en pariant sur un boni à la revente. Car sur l’ensemble du groupe de ces joueurs là, si vous avez bien fait votre travail, il y aura bien un joueur qui va sur-performer.

Si la TPO était pratiqué en France, ce qui n’est pas le cas, on pourrait imaginer par exemple qu’un club comme Monaco, en investissant sur quelques jeunes joueurs de grands talents arriverait, grâce à de bonnes performances en compétition européenne, à générer d’importants profits à la revente d’un futur crack … Mbappé.

En clair, si vous misez sur 10 jeunes joueurs à 10 millions d’euros et que vous en avez un que vous revendez à 180, vous avez gagné 80 millions d’euros sur l’ensemble de l’opération.

Il ne s’agit pas là de corruption mais d’une dérive financière que les instances du sport essayent d’endiguer au motif que la TPO pose un problème d’éthique, de philosophie en plus de la potentielle faille dans laquelle le grand banditisme pourrait s’engouffrer !

…. mais un effet positif souvent ignoré 

 

Mais il reste une facette paradoxalement positive avec cette pratique contestée. La TPO peut rendre un véritable service au football parce que si on y prête garde, désormais le casting des 1/4 de finalistes de la Ligue des Champions sera connu dés le tirage au sport des poules, peut-être même que l’on pourra vous donner le nom du vainqueur en janvier. Pourquoi ?

Tout simplement parce qu’il existe depuis l’Arrêt Bosman, une véritable corrélation entre la puissance économique des clubs et leurs performances sportives. Et comme la tendance est que les principaux clubs soient détenus par des milliardaires …

Entre le Manchester City de Dubai, le PSG du Qatar, le Monaco de Rybolovlev, le Chelsea d’Abramovic, le Milan AC de chinois, le Real Madrid de Florentino Perez, la Juventus de la famille Agnelli se cachent probablement le vainqueur de la C1 des prochaines années.

Bref, pour éviter que seuls les clubs détenus par des « tycoons » (milliardaires) aient un espoir de victoire finale dans les compétitions européennes, il faut imaginer un système permettant à des clubs moins fortunés, de disposer eux aussi de joueurs de grand talent leur permettant de défier l’armada de ces tycoons.

Et c’est là que réside le paradoxe de la TPO car bien utilisée, elle pourrait sauver le charme du football, la fameuse incertitude du résultat. Comment ? En co-finançant ces clubs dit challenger et ainsi leurs donner les moyens d’aller chercher des joueurs en capacité de rivaliser sportivement avec les stars alignés par les tycoons !

Une solution : Encadrer la TPO pour redynamiser les championnats ?

 

Les derniers mercatos en ont fait la démonstration, pour attirer des « marquee players », il faut désormais débourser 100, 150 voir 200 millions d’euros. Dans à peu près tous les championnats, ces clubs challengers existent. C’est le cas de Dortmund par rapport au Bayern Munich, dans une moindre mesure, d’un Liverpool par rapport à Manchester City ou United. Cela peut être le cas de Lyon qui a construit son « business model » en alternative à celui du PSG.

L’économie de ces clubs leur permet de miser 20 à 50 millions d’euros, peut-être un peu plus selon les années, mais avec l’appui d’un acteur financier, le transfert des joueurs stars pourrait s’envisager. C’est ainsi que l’on peut expliquer la performance du football portugais – le FC Porto notamment – avant que l’UEFA ne remette en cause la TPO.

Bien pensée et contrôlée, la tierce-propriété permettrait donc de rééquilibrer les forces et ainsi de maintenir une certaine incertitude du résultat, celle qui nous fait vibrer tous. C’est pour cette incertitude que l’on a envie d’aller voir des matchs parce que l’on ne sait pas qui va gagner !

Or, si on ne permet pas à des clubs moins puissants financièrement d’avoir des joueurs de talents (parce que le talent s’achète toujours plus cher – voir trop cher) – on va condamner la performance sportive en la limitant à quelques clubs. Reste à savoir s’il est possible d’encadrer l’usage de la TPO pour en garder que le positif.

par Vincent Chaudel
Expert Sport Business
blog de « L’Observatoire du Sport Business »

 

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